Bonus/malus sur les cotisations chômage

dans Actualité

Bonus/malus sur les cotisations chômage : le gouvernement cible sept secteurs d’activité

 

Le 18 juin 2019, le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud ont présenté la réforme de l’assurance chômage que le gouvernement s’apprête à mettre en œuvre. À cette occasion, ils ont dévoilé les principes de fonctionnement du futur système de bonus/malus sur les cotisations patronales d’assurance chômage, qui vise à lutter contre l’emploi précaire et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim. Cet aspect de la réforme devrait s’appliquer à partir du 1er janvier 2020.

 

Une réforme dont les bases ont été posées par la loi Avenir professionnel

Pour lutter contre la pratique des contrats successifs de très courte durée, la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 a ouvert la possibilité de moduler le taux des cotisations chômage en fonction de nouveaux critères (c. trav. art. L. 5422-12 modifié ; loi 2018-771 du 5 septembre 2018, art. 52, JO du 6) :

-le secteur d’activité de l’entreprise ;

-le nombre de fins de contrat de travail (hors démissions), sous réserve de l’inscription des personnes concernées sur la liste des demandeurs d’emploi (a contrario, une fin de contrat sans inscription sur cette liste ne sera pas comptabilisée).

Pour le nombre de fins de contrat de travail, on tiendra compte non seulement des contrats courts (CDD, etc.), mais aussi des fins de CDI, pourvu qu'elles donnent lieu à inscription à Pôle Emploi. L’entourage du ministre du Travail a précisé que les contrats d’apprentissage, contrats de professionnalisation et contrats d’insertion (ex. : contrat unique d’insertion) ne seront pas comptabilisés.

Pour ce qui concerne le travail temporaire, les fins de contrats de mise à disposition entreront dans le champ du bonus/malus au niveau de l’entreprise utilisatrice. A contrario, elles ne seront pas prises en compte au niveau de l’entreprise de travail temporaire. Les fins de contrats d’intérim seront, en quelque sorte, imputées à l’entreprise utilisatrice et non à l’entreprise de travail temporaire.

Les fins de contrats des intermittents du spectacle ne seront pas prises en compte, puisqu’une surcontribution spécifique existe déjà pour financer le régime d’indemnisation du chômage propre à ces salariés.

Le gouvernement ayant pris la main sur la réforme de l’assurance chômage, c’est donc lui qui, dans le cadre du décret d’application, mettra en place ce bonus/malus.

Les grandes lignes du dispositif ont été dévoilées le 18 juin 2019, à l’occasion d’une conférence de presse sur la réforme de l’assurance chômage. Les règles techniques restent, bien entendu, à préciser par décret, qui devrait être publié d’ici la fin de l’été.

Le mécanisme de bonus/malus envisagé

Le système de bonus/malus concernera les employeurs de plus de 11 salariés. Les plus petites entreprises en seront donc exclues.

Dans un premier temps, le dispositif visera les sept secteurs d’activité qui, selon le ministère, représentent à eux seuls 34 % des ruptures de contrats de travail :

-fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;

-autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;

-hébergement et restauration ;

-production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dépollution ;

-transports et entreposage ;

-fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques ;

-travail du bois, industrie du papier et imprimerie.

Ces secteurs ont un point commun : ils ont tous un « taux de séparation » (rapport entre le nombre d’inscriptions à Pôle Emploi de salariés ayant travaillé pour l’entreprise et l’effectif de l’entreprise) supérieur à 150 %. Très schématiquement, cela signifie que dans ces secteurs, il y a plus de 3 fins de contrats (essentiellement précaires) pour 2 emplois stables.

Dans chaque secteur d’activité, les « bons élèves » et les « mauvais élèves » par rapport au taux de séparation médian propre au secteur auront, pour les premiers un bonus, et pour les seconds un malus, qui se traduira au niveau du taux de la cotisation patronale d’assurance chômage de l’entreprise.

Ainsi, plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle Emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage.

À l’inverse, plus une entreprise réduira le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle Emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelles...), moins elle paiera de cotisations. On notera, en particulier, que le recours à des intérimaires employés dans le cadre du CDI intérimaire permettra également de faire diminuer le « taux de séparation » de l’entreprise.

Au total, le taux des cotisations patronales d’assurance chômage variera entre 3 % et 5 %, en fonction de la pratique de l’entreprise (pour mémoire, dans le cas général, il est de 4,05 % à l'heure où nous rédigeons ces lignes).

Point très important : le taux ainsi déterminé, « bonifié » ou « malussé », sera appliqué à tous les contrats de travail, et pas uniquement aux contrats courts. Autrement dit, un malus de 1 % s’appliquera à l’ensemble de l’ensemble des salariés de l’entreprise, et donc à l’ensemble de la masse salariale. Par comparaison, dans l’ancien système, les majorations de taux ne s’appliquaient qu’aux contrats courts concernés.

Par ces mesures, les pouvoirs publics entendent inciter les entreprises à proposer davantage de CDI, à rallonger la durée des CDD ou encore à faire appel à des intérimaires sous CDI intérimaire.

Les modalités de calcul du taux de séparation de chaque entreprise devraient permettre de prendre en compte le cas des entreprises en difficulté ou en restructuration, qui peuvent être confrontées à des pics de fins de contrat. Techniquement, cela pourrait passer par un lissage de la mesure du taux de séparation qui, une fois le dispositif en régime de croisière, se calculerait sur une période de référence de 3 ans.

On signalera enfin que le dispositif, d’abord limité aux sept secteurs susvisés, pourrait, après évaluation, être étendu à terme à l’ensemble de l’économie.

Taxation des CDD d’usage

Par ailleurs, le gouvernement entend appliquer aux CDD d’usage une taxe forfaitaire de 10 €. Le but sera, notamment, d’inciter les entreprises qui en abusent à proposer des contrats d’une semaine ou d’un mois plutôt que de quelques heures chaque jour. Cette taxe concernerait tous les CDD d'usage, sans restriction de secteur.

Par exception, les employeurs d’intermittents du spectacle (annexes VIII et X de l’assurance chômage) ne seront pas concernés par cette mesure, mais seront toujours soumis à la cotisation patronale supplémentaire de 0,5 % introduite par la convention de mars 2017.

Entrée en vigueur pour 2020

La réforme, dont le contenu technique reste à préciser par un décret attendu d’ici la fin de l’été (entre fin juillet et début septembre), s’appliquerait à compter du 1er janvier 2020.

Conférence de presse du 18 juin 2019 sur la réforme de l'assurance chômage https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dp-transformer_l_assurance_chomage_180619.pdf